MILISUTHANDO –  Critique par Gaël T. HOUNKPATIN

Et si l’apartheid n’avait jamais existé ?

Une femme se déshabille devant la statue de Nelson Mandela. C’est sur ces images d’archives que la réalisatrice, scénariste et narratrice, Milisuthando Bongela attire notre attention en guise d’introduction à son film documentaire historique et éponyme qui durera en tout 115 mn. Nous sommes en Afrique du Sud, sur un fond noir, une buchette s’enflamme aux mains d’une femme de couleur qui allume des bougies blanches. C’est la promesse d’une lumière sur des questions existentielles intimement liées la race. Dans une contre-plongée du directeur photo et monteur Hankyeol Lee, on découvre une scène de purification aux herbes impepho. Sans même comprendre l’afrikaans ou l’anglais, les images suggèrent que des démons hantent ce pays alors que dans un grand ciel bleu, un essaim d’oiseaux rode. Milisuthando Bongela nous parle de l’Afrique du Sud de ses parents et de son Afrique du sud d’aujourd’hui des décennies après la fin de l’apartheid. Elle y a grandi pendant la ségrégation sans jamais se rendre compte de ce qui s’y tramait. Et qu’à travers ses expériences aujourd’hui, nous ne pouvons pas séparer les questions de race des questions de classe, des questions de genre. A l’image de son histoire, elle a construit ce film autour de cinq parties. D’abord, ‘‘Naissance’’. Cette première partie revient sur la naissance de sa mère à Mthatha qui, en 1985 était la capitale de Transkei, une république contestée qui s’affranchit de l’apartheid et qui sera dissoute après 18 ans d’existence avec la fin de celui-ci. Aussi, on apprend avec bonheur ces émouvantes chansons qui célébraient son indépendance. On est presque pris de vertige dans la deuxième partie intitulée ‘‘Ensorcellement’’ quand, dans un long tunnel, on est embarqué à toute vitesse dans les entrailles l’histoire. Et puisque ensorcellement rime souvent avec ‘‘protection’’, c’est ainsi qu’elle nomme la troisième partie qui démarre sur une scène extérieure nuit, avec un plan sur les feuillages d’un arbre à l’épreuve d’un vent annonciateur de grande pluie. La manifestation de cette pluie est vue comme la survenance d’un grand événement et s’assimile à la libération de Nelson Mandela ; le départ de Milisuthando de Transkei pour l’est de Londres ; l’acceptation des noirs dans les écoles jadis réservées exclusivement à la race blanche. La quatrième partie, quant à elle, est purgative. L’actrice coupe les mèches de sa tête comme pour revendiquer son identité en tant que femme noire appartenant à cette société sud africaine où elle vit aujourd’hui. Le titre de la dernière partie ‘’Une chèvre qui rentre à la maison’’ traduit de l’anglais ‘‘a goat calls me back home’’ est un regard en arrière. Elle est marquée entre autres par les funérailles de Somikazi Victoria Mtikinca et se termine sur un fond sonore, signé Néo Muyanga et Msaki, et qui se superpose aux inaudibles incantations d’une actrice à genou, vêtue de blanc parmi des photos de famille, bougies, offrandes, encens. La quête de Milisuthando serait-elle aussi spirituelle ? De toute évidence, parmi le palmarès de la production de Marion Isaacs, on compte déjà en 2023, année de sa sortie, une nomination au Sundance Film Festival, au San Francisco International Film Festival et au Seattle International Film Festival. Ce qui nous amène à l’appeler affectueusement le film aux trois nominations.

Durban International Film Festival

Attrapez la 44e édition du Durban International Film Festival (DIFF), présentée par le Centre for Creative Arts à University of Kwazulu-Natal du 20 Juillet 2023 – Dim 30 Juillet 2023

Pour plus d’informations, visitez: https://ccadiff.ukzn.ac.za

Auteur

Cette critique a été produite dans le cadre du programme Talent Press, une initiative de Talents Durban en collaboration avec le Durban FilmMart (DFM). Les avis exprimés dans cet article n’engagent que l’auteure (Gaël Hounkpatin) et ne sauraient être considérés comme constituant une prise de position officielle des organisateurs.  

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